Portrait - Le professeur Jaeger, medecin atittré des footballeurs

Publié le

Le chirurgien de l’ombre
  
Il opère à Strasbourg les plus grands footballeurs de son époque. Le fameux Professeur Jaeger lève un coin du voile.
 
PHOTO: Parmi les cas les plus épineux qu'a eu à traiter le Professeur ces dernières années. En 2002, Robert Pirès se blesse en quart de finale de la Cup. Après l'avoir examiné,  Jean-Henri Jaeger lui recommande de ne pas disputer le Mondial en Asie avec les Bleus.  
 
pires.jpg
Les acolytes de la rubrique « pieds cassés » des quotidiens connaissent son nom. De même que d’autres badauds chevronnés se souviendront de l’accueil triomphal réservé à notre Zizou national en passage éclair à Strasbourg au mois de mai 1999 pour une opération du ménisque.
Le Professeur Jean-Henri Jaeger est un anonyme reconnu. Toujours cité, jamais aperçu, c’est lui, pourtant, qui depuis 1979, s’attelle à faire passer sur le billard les sportifs de haut niveau. Les footballeurs en particulier.
De Jacky Novi, l’ancien joueur de l’OM et du Racing Club de Strasbourg– sa première intervention – à Ludovic Giuly ou Remy Vercoutre, pour les plus récents, ils sont des dizaines, voire des centaines, à avoir franchi la porte su cabinet de cet Alsacien d’adoption arrivé de Lorraine à l’âge de 17 ans.
 
Sous les auspices d’André Bord
« Au fond, il y en a peu que je n’ai pas auscultés », plaisante non sans modestie, le Pr. Jaeger qui peut se fendre d’une affiche dédicacée par l’Equipe de France de Mexico dans sa salle d’attente, pour autant qu’il ait vu Amoros et ses amis poindre au bloc opératoire.
Aujourd’hui, c’est donc à la tête d’un petit réseau que se retrouve ce spécialiste en traumatologie du sport. Une aubaine qu’il doit – au-delà de ses compétences – à l’ancien ministre et président du Racing Club de Strasbourg, André Bord, lequel cherchait une solution pour soigner une pubalgie traînée par Roger Jouve, son international d’antan. « Je ne connaissais pas, à cette époque, les méthodes à employer pour une telle blessure. André Bord a alors fait venir un médecin reconnu de Belgrade que j’ai pu assister. C’est comme ça que j’ai appris à soigner cette fameuse pubalgie qui, de nos jours, est un mal récurrent que rencontrent quasi-systématiquement les footballeurs ».
Et au Pr. Jaeger d’accroître ses connaissances sur les « bobos » des sportifs et de faire son petit bonhomme de chemin. Après, tout n’a alors été que concours de circonstances. « Le Racing avait besoin d’un médecin où envoyer régulièrement ses joueurs…Et puis voilà », raconte t-il d’un air détaché.
Propulsé dans ce petit monde, assez particulier, le le Professeur ne veut pourtant pas appréhender son métier différemment sous prétexte qu’il côtoie des idoles du peuple. Il doit cependant reconnaître des caractéristiques propres à son travail : « J’ai peut-être une plus grande obligation par rapport à mon travail », commente t-il. Sans compter qu’ « une fois sorti du cabinet, le sportif de haut niveau sera harcelé de questions » en plus du « coup de marteau » qui suit parfois un diagnostic pas toujours facile à encaisser.
La cruelle décision pour Pirès
On peut, dès lors, s’imaginer le rictus qui devait se lire sur le visage de Shabani Nonda, l’an dernier, lorsqu’il apprit que son indisponibilité atteindrait 12 mois. Une éternité. Ou encore le dépit de Robert Pirès se voyant barrer la route du mondial 2002 à cause d’une torsion du genou droit survenue en quart de finale de la Cup, quelques jours avant le départ. Une affaire qui avait d’ailleurs déclenché la polémique et posé la question de l’urgence ou non d’une intervention. « Certaines personnes avaient laissé miroiter des espoirs au joueur. Pour ma part, je veux bien être sympathique, mais je ne pense pas qu’il faille être gentil », nuance le Pr. Jaeger qui pense que « travestir la vérité » n’est pas rendre service. « C’est sûr que six mois d’arrêt sur une carrière de dix ans, c’est important. Mais il ne faut pas faire n’importe quoi non plus » relativise celui qui, les soixante ans fraîchement entamés, a appris à connaître les limites du corps humain.
Né un 18 juin, quatre ans, jour pour jour, après le célèbre appel de De Gaulle, il était écrit que Jean-Henri Jaeger pousserait les dieux du stade à résister à la blessure et à les délivrer de leurs maux. La dédicace de Bruno Bellone qui orne son cabinet consacre un Professeur aux allures de Lazare « grâce auquel beaucoup de joueurs peuvent encore courir ». Belle récompense pour cet homme de l’ombre qui ne cherche pas, au fond, à se faire plus de lumière.
 
 
Maxime DEBS.
 
(paru dans Alsace Foot le jeudi 23 septembre 2004)©

Publié dans Articles "Sport"

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article
M
c'est passionnant!
Répondre